Depuis plus d’une année, les vétérinaires alertent le monde politique sur la nécessité impérieuse de vérifier la stabilité des effectifs car la profession va mal. A l’heure où la Fièvre Catarrhale ovine frappe à nos portes, les vétérinaires viennent d’être touchés par des nouvelles réglementations sans concertation aucune.
A l’heure où 66% des praticiens n’ont pas confiance dans l’Avenir de leur métier et où 40% des jeunes quittent la profession avant 3 ans, où notre profession est une des plus sujette au suicide professionnel, nous nous interrogeons sur un monde sans vétérinaires, confronté à une pandémie.

Qui soignera, qui installera les tests diagnostiques, les mesures de contrôle et les barrières sanitaires ? alors que la passion de la fonction publique pour l’administratif – non rémunéré – pourrait entraîner la chute totale de l’excellence sanitaire de la Belgique. Malgré de nombreux appels à l’aide, certaines administrations ne mesurent pas la détresse intense de la profession. Là où les médecins généralistes bénéficient d’une prise en charge de l’administration de la Santé à hauteur de 32€/patient et par an, le vétérinaire, malgré les succès cumulés à prévenir l’antibiorésistance, les pathologies zoonotiques et autres crises alimentaires, doit seul assumer le coût administratif, humain, financier. Car, oui, ce sont aussi des familles qui seront privées de leur mère, père qui, par conscience professionnelle, va devoir remplir ses obligations administratives plutôt que s’occuper des siens.

L’intensité des contraintes administratives est la première cause de mal-être selon l’étude réalisée auprès de 550 praticiens belges en 2022 par l’Union professionnelle Vétérinaire. Nous espérions que le message serait entendu, car après les appels à l’aide et la chute du nombre de praticiens, c’est la santé animale et la sécurité alimentaire qui seront en danger, et quelqu’un devra en porter la responsabilité. Nous avons eu l’aval du Ministre Borsus en Wallonie pour avancer sur un projet d’Observatoire de la profession pour mettre fin à la dynamique du suicide et à l’effondrement des vocations aux côtés de la Faculté vétérinaire de l’université de Liège, de l’Ordre francophone et de l’AFSCA.

Une dernière goutte a fait déborder le vase : l’AFMPS1 a fait publier le 4 août dernier un arrêté royal imposant des normes européennes aux praticiens le 10 août … sans concertation préalable avec la profession et alors que l’Union Européenne propose des délais d’application allant de 2024 à 2030 selon les espèces.

Avec nos consoeurs et confrères de VeDa – Verenigde Dierenartsen, et de nos ordres respectifs, *nous répétons : No We Can’t / Nous n’en pouvons plus*

A la suite de ce message, les organisations vétérinaires se sont rassemblées il y a 10 jours, Union professionnelle vétérinaire, VeDa flamand, SAVAB Flanders, Conseil supérieur de l’ordre belge et les 2 conseils régionaux, pour nous opposer à la nouvelle législation de l’Arrêté Royal modifié en date du 31 juillet 2023 proposée par les ministres Vandenbroucke et Clarinval. Malgré nos lettres, seul le cabinet du ministre Clarinval a été limpide sur son soutien et la nécessité d’une compensation du travail en faveur de la santé publique des vétérinaires. Le cabinet Vandenbroucke et l’Agence du médicament restent sourds à nos demandes. Depuis deux jours, un recours suspensif a été déposé contre l’arrêté royal, et le mouvement se durcit, car malgré de nombreux appels à l’aide, la machine administrative continue de broyer la motivation des vétérinaires.

Dans quelle société vivons-nous où un praticien est apprécié sur ses capacités à remplir des formalités documentaires plutôt que sur ses aptitudes à soigner les animaux ?

Il y a 30 ans, l’épidémiosurveillance animale consistait à contrôler et éradiquer les maladies mortelles pour l’homme (Tuberculose, Brucellose, Rage) et le rôle du vétérinaire était clair et rémunéré. Aujourd’hui, le vétérinaire doit faire face sur fonds propres à de nouvelles menaces pour lesquelles l’Etat se repose sur le véto, premier pilier du OneHealth, mais sans prévoir de budget de prévention. Depuis vendredi soir, le front constitué vient d’être rejoint par la Fédération Wallonne de l’Agriculture, pour qui la pénurie de vétérinaires ruraux serait une menace certaine sur le bien-être et la santé des animaux.

Nous sommes devant un choix, celui de féliciter les vétérinaires qui ont relevé les défis du Onehealth de manière proactive et avec des résultats, sur fonds propres, et continuer d’aggraver la pénibilité -maltraitance- administrative, au risque de voir encore de nombreuses vies gâchées par cette machine, une fracture numérique entre génération et la démotivation se répandre. Le vétérinaire a, par nature, confiance dans ses autorités de tutelle, mais comme un enfant battu, une crise de confiance s’installe.

« Si nous devons prévenir, plutôt que guérir, il faudra subvenir plutôt que requérir ».