Nivelles, le 12 février 2021

Un vétérinaire et 10 autres prévenus ont été lourdement condamnés le 11 décembre 2020 pour des pratiques illégales en rapport avec la distribution des médicaments.

Comment des vétérinaires distribuent des médicaments

Les praticiens vétérinaires ont le droit de demander un numéro de dépôt de médicaments à l’Agence Fédérale pour les Médicaments et les Produits de Santé (AFMPS). Ensuite, ils peuvent distribuer des médicaments, par prescription, par administration ou par fourniture.

  • Par prescription : le client se rend avec une prescription vétérinaire chez un pharmacien où il trouve les produits nécessaires pour ses animaux.
  • Par administration : le vétérinaire soigne l’animal lui-même en donnant des médicaments aux animaux traités par la bouche ou par injection. C’est souvent nécessaire en animaux de ferme parce que certains médicaments doivent être administrés d’urgence, surtout la nuit, les jours fériés…
  • Par fourniture : il arrive qu’une seule administration ne soit pas suffisante et qu’il faille poursuivre le traitement sur plusieurs jours. Si le client en est capable, le praticien lui confie des médicaments pour poursuivre les soins lui-même.

Ce dernier cas est fréquent en animaux d’élevage, lorsque des lots présentent les mêmes maladies et qu’il faut administrer le même médicament à plusieurs vaches, veaux, porcs, poulets, etc… ou qu’il faut poursuivre un traitement d’antibiotiques à un animal pendant au moins 5 jours, par exemple.

Mais dans tous les cas, la fourniture doit être précédée d’un examen clinique afin d’être sûr de ne pas disperser des médicaments inutiles avec tous les effets négatifs sur l’environnement et la santé publique  (résidus, augmentation du risque d’antibiorésistance,…) et sur la santé et le bien-être des animaux (des traitements inappropriés peuvent faire du tort au patient en retardant un traitement adéquat).

Dans des conditions bien précises, moyennant notamment un suivi périodique et documenté par le vétérinaire, les éleveurs peuvent signer un contrat de guidance avec leur vétérinaire d’épidémiosurveillance contractuel. Dans ce cas, et toujours en contact étroit avec le vétérinaire qui fait le diagnostic initial, certains médicaments peuvent être laissés en ferme pour une durée maximale bien définie. Dans et à ces conditions l’éleveur dispose ainsi de certains produits de première nécessité en cas de maladies récurrentes comme les infections mammaires par exemple.

Qu’est-ce qu’un vétérinaire d’autoroute ?

Un vétérinaire d’autoroute est un médecin vétérinaire diplômé dont l’idéal professionnel s’est perverti.

Au lieu de soigner des animaux, il préfère une activité plus juteuse et moins fatigante : la vente de médicaments en grosses quantités.

Certains d’entre eux ne mettent jamais les pieds dans une étable, une porcherie ou un poulailler. Ils se contentent de se rendre dans la cuisine ou la salle à manger des éleveurs et de leur demander ce qu’ils doivent leur vendre. Ces ventes signifient la diffusion de grosses quantités de médicaments sans contrôle de leur utilisation par des professionnels de la santé animale.

D’ailleurs, certaines enquêtes ont démontré que les vétérinaires en question n’avaient pas le temps matériel de s’arrêter pour visiter des animaux, vu le nombre de visites et de kilomètres effectués lors de leurs tournées de travail.

Bien plus, certains d’entre eux signent des contrats de guidance en grand nombre afin de vendre encore plus de médicaments. C’est ainsi que des vétérinaires de la région de Bruges ont signé des contrats avec des fermiers ardennais, gaumais,…

Il est évident qu’ils ne peuvent pas être des vétérinaires traitants des animaux  de leurs clients. Comment pourraient-ils répondre à des appels urgents en habitant à 250 km de leur origine ?

Quel est l’intérêt de ces pratiques ?

  • Les vétérinaires d’autoroute pratiquent une activité peu fatigante et juteuse grâce à la vente de produits en masse.
  • Les fermiers achètent des médicaments à prix réduits et peuvent en disposer à volonté pour traiter leurs animaux eux-mêmes. Par exemple, ils peuvent pratiquer eux-mêmes des césariennes sur leurs vaches puisqu’ils disposent d’anesthésiants et d’antibiotiques. Ils peuvent aussi gérer la reproduction de leurs animaux au moyen des hormones fournies par ces vétérinaires d’autoroute.

Quelle est la position de l’Union Professionnelle Vétérinaire ?

L’UPV a décidé de fédérer les griefs de l’écrasante majorité des praticiens. Lesquels ?

  • Les vétérinaires d’autoroute se contentent de fournir des médicaments sans examen clinique, ce qui peut conduire à du gaspillage, des traitements erronés, de la pollution environnementale, des résidus dans les produits animaux…
  • Par contre, ils n’assurent pas un accompagnement sanitaire complet des élevages (dont les aspects de bien-être animal, soins des onglons etc., mais aussi les permanences de nuit et de WE, les interventions urgentes) que d’autres praticiens doivent bien assumer à leur place.
  • Du point de vue de la législation, ils font le nécessaire pour que les documents requis par la loi soient présents en ferme, en adaptant leurs enregistrements à leurs pratiques.
  • De ce fait, ils pratiquent une concurrence déloyale vis-à-vis des praticiens consciencieux et attirent sur la profession le blâme de nos concitoyens.

Désormais, lorsque des éléments probants nous amènent à démontrer qu’un vétérinaire se livre à ce commerce douteux, nous nous portons partie civile contre eux et éventuellement contre leurs clients qui se livreraient à un exercice illégal de la médecine vétérinaire.

Le cas qui nous occupe aujourd’hui

Nous apprenions ce 11 décembre que la Cour de cassation a rejeté les pourvois de 11 prévenus dans une affaire en cours depuis le 11 février 2009.

L’UPV, représentée par Me Sylvie Bredael, avait rejoint le Conseil Régional Francophone de l’Ordre des Médecins Vétérinaires en tant que partie civile dans cette affaire.

Ce jour-là, l’AFSCA a transmis au Parquet de Dinant un PV relatif à un contrôle chez un dentiste équin profane. Celui-ci se fournissait en sédatif auprès du vétérinaire M.C.

Suite à des recherches téléphoniques, d’autres pratiques illégales ont été découvertes dans un contexte de récidive:

  • Dans le chef du vétérinaire, délivrance de médicaments à la demande, en dehors de tout diagnostic préalable, non-respect des conditions de la guidance, absence de DAF[1], délivrance de médicaments interdits et/ou réservés à une administration vétérinaire…) et même complicité de faux à propos de 46 bons de livraison mentionnant erronément une adresse de livraison (celle de sa société) pour couvrir une délivrance directe du grossiste-répartiteur à ses clients.
  • S’agissant d’agriculteurs, outre des cas de césariennes en l’absence de tout vétérinaire, la litanie habituelle des infractions d’exercice illégal de la médecine vétérinaire, de détention et d’administration illégales de médicaments (y compris des corticostéroïdes et des substances hormonales non enregistrées en Belgique).

Le 11 octobre 2018, les prévenus ont été acquittés par le tribunal correctionnel de Dinant pour vices de procédure mais un appel du Parquet a été suivi par la Cour d’Appel de Liège qui a prononcé de lourdes peines:

  • 500 € d’amende à charge de chaque éleveur condamné,
  • 3 mois d’emprisonnement ferme et 27.500 € d’amende à charge du vétérinaire qui les approvisionnait illégalement en médicaments.

Comme la Cour de Cassation a rejeté tous les pourvois le 9 décembre 2020, les condamnations sont définitives.

Il n’est jamais réjouissant de voir condamner un collègue, mais ses activités récidivantes ont trop porté préjudice au bien-être animal et à l’honorabilité de la profession. De plus, sa concurrence déloyale a fait trop de tort à des Consœurs et des Confrères consciencieux pour que nous puissions passer l’éponge…

Contact presse : veterinaria@upv.be

[1] Document d’Administration et de Fourniture, imposé par la loi pour la distribution de médicaments vétérinaires