28 janvier 2021

L’Union Professionnelle Vétérinaire et plusieurs scientifiques de la Faculté de médecine vétérinaire de l’ULiège se sont émus de l’avis de l’Auditeur de la Cour de Justice européenne qui avait conclu que l’interdiction de l’abattage sans étourdissement préalable par la Région Flamande (interdit également par la Région Wallonne et plusieurs états membres) violait la liberté de religion garantie par la Charte des droits fondamentaux de l’UE.

 Nous avons mobilisé la Fédération Vétérinaire Européenne (FVE) qui a assuré un effort d’information intense au plus haut niveau. Suite à ces démarches, diverses associations confessionnelles sont déboutées !

Veuillez trouver ci-dessous quelques extraits du communiqué de la Cour de Justice de l’Union européenne.

Cour de justice de l’Union européenne

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 163/20

Luxembourg, le 17 décembre 2020

Arrêt dans l’affaire C-336/19

Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a.

Afin de promouvoir le bien-être animal dans le cadre de l’abattage rituel, les États membres peuvent, sans méconnaître les droits fondamentaux consacrés par la Charte, imposer un procédé d’étourdissement réversible et insusceptible d’entraîner la mort de l’animal.

Un décret de la Région flamande (Belgique) du 7 juillet 2017, portant modification de la loi relative à la protection et au bien-être des animaux, en ce qui concerne les méthodes autorisées pour l’abattage des animaux, a pour effet d’interdire l’abattage d’animaux sans étourdissement préalable, y compris pour les abattages prescrits par un rite religieux. Dans le cadre de l’abattage rituel, il prévoit l’utilisation d’un étourdissement réversible et insusceptible d’entraîner la mort de l’animal.

Ce texte a notamment été contesté par plusieurs associations juives et musulmanes, demandant son annulation totale ou partielle. Selon elles, en ne permettant pas aux croyants juifs et musulmans de se procurer de la viande provenant d’animaux abattus conformément à leurs préceptes religieux, lesquels s’opposeraient à la technique de l’étourdissement réversible, le décret méconnaît le règlement no 1099/2009[1] et, partant, empêche les croyants de pratiquer leur religion.

C’est dans ce contexte que le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique) a décidé de saisir la Cour à titre préjudiciel afin de savoir, principalement, si le droit de l’Union s’oppose à la réglementation d’un État membre qui impose, dans le cadre de l’abattage rituel, un procédé d’étourdissement réversible et insusceptible d’entraîner la mort de l’animal.

Cette question amène la Cour, pour la troisième fois[2], à mettre en balance la liberté de religion, garantie par l’article 10 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), et le bien-être animal, tel qu’énoncé à l’article 13 TFUE et concrétisé dans le règlement no 1099/2009.

Appréciation de la Cour

 La Cour, réunie en grande chambre, relève, tout d’abord, que le principe de l’étourdissement de l’animal préalablement à sa mise à mort, posé par le règlement no 1099/2009, répond à l’objectif principal de protection du bien-être animal poursuivi par ce règlement.

Par ailleurs, les États membres peuvent adopter des règles nationales visant à assurer aux animaux, au moment de leur mise à mort, une plus grande protection que celle prévue par le règlement no 1099/2009 dans le domaine de l’abattage rituel[3].

Il s’ensuit que le règlement no 1099/2009 ne s’oppose pas à ce que les États membres imposent une obligation d’étourdissement préalable à la mise à mort des animaux qui s’applique également dans le cadre d’un abattage prescrit par des rites religieux, pour autant toutefois que, ce faisant, les États membres respectent les droits fondamentaux consacrés par la Charte.

Dans le cadre de l’examen de la proportionnalité de la limitation, la Cour conclut que les mesures que comporte le décret permettent d’assurer un juste équilibre entre l’importance attachée au bien-être animal et la liberté des croyants juifs et musulmans de manifester leur religion.

 www.curia.europa.eu


L’Union Professionnelle Vétérinaire représente les médecins vétérinaires francophones de Belgique auprès des autorités et des organes régionaux, fédéraux et européens. Comptant un millier de membres elle est le mouvement vétérinaire le plus important du pays.

L’UPV a participé à la rédaction de la motion déposée par la FVE auprès des autorités européennes. Vous voudrez bien la découvrir ci–dessous.

Nous restons à votre disposition pour toute information complémentaire.

Contact presse : veterinaria@upv.be.


Abattage d’animaux sans étourdissement préalable

(FVE/02/104)

(trad. Alain Schonbrodt)

 Position de la FVE

 Introduction

Conformément au code FVE de Bonne Pratique Vétérinaire, les vétérinaires s’efforceront d’assurer le bien-être et la santé des animaux confiés à leurs soins, quel que soit le domaine de la profession vétérinaire qu’ils pratiquent (Code BPV de la FVE, 2002).

Comme beaucoup de préoccupations se sont fait jour relativement à l’abattage des animaux sans étourdissement préalable, pour des motifs religieux ou par incurie au cours d’abattages ordinaires, la FVE a entrepris d’examiner les aspects scientifiques de l’abattage sans étourdissement préalable, par référence au bien-être animal et à l’hygiène alimentaire.

Conformément à la Directive du Conseil 93/119/CE, on épargnera aux animaux toute douleur ou souffrance évitable au moment de l’abattage ou de l’euthanasie. Dès lors, les solipèdes, ruminants, porcs, lapins et volailles seront étourdis avant l’abattage ou tués immédiatement. Cependant, comme certains groupes religieux requièrent que les animaux ne soient pas étourdis avant l’abattage, la Directive permet des dérogations limitées pour prendre en compte les exigences particulières de certains rites religieux.

La plupart des Etats Membres ont usé de ces dérogations pour autoriser l’abattage d’animaux sans étourdissement préalable.

Principes

L’opinion de la FVE est que du point de vue du bien-être animal, et eu égard au respect dû à l’animal en tant qu’être sensible, la pratique de l’abattage sans étourdissement préalable est inacceptable en tous les cas pour les raisons suivantes :

  • L’abattage sans étourdissement préalable augmente la durée de la perte de conscience, parfois pendant plus de quelques minutes. Pendant cette période de conscience, l’animal peut être exposé à une douleur et une souffrance inutile due à
    • l’exposition d’organes blessés ;
    • l’aspiration éventuelle de sang et de contenu ruminal, dans le cas de ruminants ;
    • la souffrance éventuelle due à l’asphyxie après section du nerf phrénique et du nerf vague.
  • L’abattage sans étourdissement préalable requiert dans la plupart des cas une contention supplémentaire, qui peut provoquer un stress accru pour un animal certainement déjà effrayé.

L’opinion de la FVE est que la pratique de l’abattage d’animaux sans étourdissement préalable est inacceptable dans tous les cas.

[1] Règlement (CE) no 1099/2009 du Conseil, du 24 septembre 2009, sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort (JO 2009, L 303, p. 1)

[2] Après les arrêts du 29 mai 2018, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen e.a., C-426/16 (voir CP 69/18), ainsi que du 26 février 2019, Oeuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs, C-497/17 (voir CP 15/2019)

[3] Article 26, paragraphe 2, premier alinéa, sous c), du règlement no 1099/2009.